TEXTES-PUBLICATIONS

entretien

CORRESPONDANCE CYDRE <> MATHILDE PELLÉ

REVUE AZIMUTS #

2022 – ÉDITIONS CITÉ DU DESIGN

Publication de la correspondance postale entretenue par le CyDRe (3ème cycle de l’EsadSE) et Ernesto Oroza avec Mathilde Pellé lors de sa résidence me Soustraire.

> lien vers la revue Azimuts

visuel_azimuts54

extrait :

CYDRE – Le mot soustraction nous parait cohérent avec la question de la crise environnemental et l’amoindrissement des ressources. Nous voulions savoir si ces questions sont la motivation de l’action que tu as menée ou au contraire, sont-elles arrivées en cours d’expérience ? Si elles sont arrivées en cours de recherches, comment cette question a impacté ton protocole de recherche ? 

M.P. – (J’espère que je ne vais pas me répéter, je n’ai gardé ni brouillon, ni copie de la lettre que je vous ai envoyée et qui contenait mes réponses aux précédentes questions…)

Ces questions, que je vois surtout comme des réalités, sont des déclencheurs. C’est exactement comme si avec la pratique du design j’étais entrée dans une rue qui est devenue une impasse ; au bout il y a justement ces réalités qui sont comme des murs. J’aurais pu faire demi-tour, arrêter le design, mais j’ai finalement cherché à observer la soustraction comme un contrepied à l’ajout. En fait je n’ai pas vraiment l’impression d’avoir eu le choix, je me suis mise à regarder les fissures en quelque sorte. Je trouve très normal et sensé de vouloir mettre en doute les modèles (formes, modes de vie, environnements) que les sociétés contemporaines proposent – ce ne sont en réalité que des propositions, qu’on doit pouvoir invalider si on le souhaite.

ENTRETIEN

Beaucoup plus de moins !

entretien avec Jean-Baptiste Farkas

2021 – Riot Éditions

Initiée par Jean-Baptiste Farkas, la collection BEAUCOUP PLUS DE MOINS ! s’intéresse aux logiques soustractives observées en art et ailleurs. Pour Jean-Baptiste Farkas, la pratique de l’art doit remettre en question les notions d’artiste, d’œuvre et de lieu d’exposition.

Entretien sur la soustraction avec Mathilde Pellé est disponible et téléchargeable gratuitement depuis le site de Riot Éditions.

> lien vers le site de Riots Éditions

Capture-d’écran-2022-01-15-à-20.08.07

extrait :

J.B.F. – Tu écris que « la soustraction autant que l’ajout permet de dessiner et de développer des réponses ». Aussi, qu’en est-il du proverbe « LESS IS MORE » ? Penses-tu servir un but proche de sa signification? Ou le projet de recherche Soustraire poursuit-il d’autres objectifs ? Lesquels dans ce cas ?

M.P. – J’ai du mal à affirmer, et même si, effectivement, certains appétits sont proches : une forme d’économie systématique, une esthétique minimaliste, « LESS IS MORE » s’énonce comme une vérité et s’oppose aussi radicalement à certains types de décors. Je ne m’oppose pas au décor, mais je cherche à le questionner, à lui reconnaître un sens, à admettre sa validité, en quelque sorte.
La question qui sous-tend le projet Soustraire et que je pose inlassablement depuis le départ, est : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que moins?». Je cherche à mettre en doute des présences, mais il est difficile de trancher : utile – non utile. Que ce soit de notre gré ou par la force des choses, je suis persuadée, que pour faire face à une crise générale, nous allons devoir modérer notre consommation, réaliser des soustractions, donc trancher, alors je peux bien dire « less has to be more » parce que je n’accepte pas l’idée que le moins matériel produise de facto du moins.

PUBLICATION

Deep Design LaB, explorations profondes des matérialités et des représentations visuelles de l’anthropocène

REVUE A°2021

2021- ÉCOLE URBAINE DE LYON

 

Publication du Deep Design Lab présentant les différents projets soutenus par le studio de recherche. Note sur Maison Soustraire, récits d’expériences et photographies.

Capture d’écran 2023-09-02 à 21.37.05

extrait :

Sur la gazinière, il y a le tiers de la bouilloire qui sert encore à faire chauffer de l’eau pour le thé et le café. Par la forme, cela pourrait être une assiette creuse en inox, elle fait entre 20 et 25 centimètres de diamètre pour une profondeur d’à peine 5 cm. Mais à l’usage elle est restée bouilloire, uniquement – et comme la bouilloire d’origine, elle reste posée sur la gazinière.

Lors de sa réduction, il a fallu redécouper plusieurs fois le cercle d’acier pour arriver au tiers de la masse. Je la revoie finalement posée sur la balance dans l’atelier et je m’entend penser : « Ça ne va pas être très pratique ». Je prend une pince pour essayer de former un bec verseur, il est minuscule.

Le tiers de bouilloire (à fort potentiel d’assiette) revient dans l’appartement -et c’est certainement parce que la casserole ce soir-là était sale- que je l’ai utilisé pour chauffer de l’eau.
J’ai disposé le bol au fond de l’évier parce que j’étais sûre de verser une importante partie de l’eau à côté, je m’applique à ce que l’oscillation du disque d’eau ne dépasse pas le cercle en métal, pour passer de la gazinière à l’évier ; je m’applique pour que ce disque rencontre doucement ce cercle au niveau du bec verseur et je verse une importante partie de l’eau à côté du bol… « Effectivement ce n’est pas pratique ».

Deuxième tentative rapprochée, la casserole était peut-être encore sale pour que j’accepte que ce soit pertinent, cette fois ci je verse parfaitement quelques dizaines de centilitres d’eau dans une tasse.
Depuis que la casserole a été réduite, je fais toujours chauffer l’eau dans la « bouilloire » – je pourrais presque dire « sur la bouilloire » tellement c’est peu profond.
Et je pratique le pas pratique, ça marche de mieux en mieux, je prend confiance, je ne mets plus la tasse au fond de l’évier, je me brûle le pied puis je remplis d’affilée quelques tasses au bon niveau sans rien verser à côté… Ce qui m’a conduite une fois à regarder de près le minuscule bec verseur en pensant que Margaux, qui m’assiste sur le projet, l’avait légèrement modifié ce qui expliquait le succès. Mais non, c’est juste mon corps qui apprend l’adresse dans une réalisation qui ne n’en demandait pas avant.

textes

lettres de maison soustraire

2020

Tout au long de l’expérience Maison Soustraire, Mathilde Pellé a diffusé des lettres auprès du public pour partager ses impressions.

DSC_2060 - copie

lettre du  2 novembre 2020 :

Parmi les premiers objets pour lesquels il a fallu retirer 2/3 de matière, certains continuent de porter leurs fonctions, certains ont disparus parce qu’il n’était pas possible d’assurer matériellement leur subsistance ou bien parce que ce qu’ils permettaient de réaliser ici n’a pas semblé essentiel. Les objets disparus laissent à disposition 1/3 de leur matière pour assurer des reconfigurations, pour adapter l’environnement au plus près possible de mes besoins.

Il y a dans la « réserve tiers » du tissu, des pointes, un tube en alu, des pièces métalliques, du câble, du fil de cuivre, … – des éléments sélectionnés pour un potentiel calculé.

La réalisation de nouveaux objets ou systèmes permet de freiner l’épuisement matériel ici et de dessiner un espace enrichi. Le savon gris qui ne séchait jamais et perdait beaucoup de matière tout en laissant des traces sur le lavabo est maintenant posé sur un petit porte-savon en bois. Le cendrier qui avait été volontairement écarté de l’inventaire des 112 objets existe finalement à travers un morceau de verre à vin. Sur la bibliothèque, près des livres, il y a désormais un objet décoratif, un bibelot, une curiosité.

Il a été envisagé de garder certaines fonctionnalités électriques du robot cuisine, mais la répartition du poids dans ses différentes parties ne l’a pas permis. Certains éléments plastiques, peu ou pas modifiés sont devenus des pièces de vaisselle, les lames des disques-râpes ont été conservées pour produire des ustensiles coupants. Le tiers du poids était loin d’être atteint, ce qui a permis une récolte pour la réserve tiers ; la plupart des éléments intéressants ont été prélevés dans le bloc moteur. Afin de récupérer le fil en cuivre du stator, il a fallu désolidariser les pièces. Des matières plus brutes apparaissent, il y a de la graisse, les pièces marquées par leur fonctionnement sont bien planquées sous les coques lisses et uniformes du robot.

Dernier obstacle pour accéder au fil, sortir l’arbre et le rotor de là. Je pressens l’élégance de la pièce, le collecteur est strié d’innombrables lignes très fines provoquées par les rotations, des mèches de fils de cuivre se croisent et forment un genre de tresse, leur roux brillant vibre bien avec des ailettes satinées rouges sang du rotor. Voilà la curiosité, le bibelot, l’objet décoratif qui est maintenant posé près des livres sur la bibliothèque. Une partie de la matière conservée du robot a été choisie par goût de la forme et pour un autre sens que la fonctionnalité.

En tenant la pièce l’autre soir, j’ai regardé attentivement les petites boules de plastique bleu écrasées sur les mèches de fil en cuivre pour les bloquer. Il y a sur chacune d’elles de toute petite lignes parallèles, des fragments en négatif d’empreintes digitales. Les traces discrètes et troublantes d’un geste de la personne qui a travaillé en Chine à la fabrication d’un robot utilisé à Saint-Étienne

publication

article l’excédent

revue décor

2021 – ENSAD & Presses du réel

couverture_decor

extrait :

La réalisation des besoins permet à un organisme, une espèce, un système de subsister, de croître – c’est en premier lieu dans la réalisation des besoins que l’énergie est utilisée. La réalisation des désirs arrive elle en second plan, elle utilise l’énergie restante disponible et permet l’écoulement de celle-ci. Georges Bataille pense que si cette énergie n’est pas écoulée, qu’elle est stockée, elle atteint saturation à certains endroits, entraîne des distorsions importantes et conduit à la pire forme de dépense improductive qu’il soit : la guerre.

Son analyse me conduit à formuler cette hypothèse : le décor est une dépense improductive, sons sens premier a été de dissiper une énergie en excès. Lorsque les besoins élémentaires sont satisfaits, le temps libre s’occupe à ritualiser les gestes et les pratiques, le décor peut être convoqué comme un rituel et permet d’écouler un excès d’énergie. C’est une forme d’expression libre qui conduit à la fois à une recherche esthétique et à un perfectionnement du geste.
Mais l’ornement peut aussi être utilisé à des fins marchandes,  il ne dépend plus forcément alors d’une énergie en excès. Le décor vient répondre à un but productif et s’oppose ainsi à la première définition. Prenons l’exemple d’un objet décoratif en paille, traditionnellement ce type d’objet de culture paysanne était produit en fin de moissons pour célébrer une bonne récolte, c’était une tentative de dépense de l’excédent paille (ce surplus existe après que les producteurs aient envisagé les besoins à venir). Imaginons maintenant que ce même objet soit le résultat d’une production rationalisée et que de la paille soit cultivée pour assurer sa production. Le décor n’est plus ici une forme de dépense de l’excédent paille. Ce faisant il dénoue le lien qui existait entre la matière et l’objet. La finalité de production de l’objet justifie l’obtention de la matière première. Le décor fait appel à la matière, alors que dans la première situation c’est la matière et le temps en excès qui font appel au décor et à l’objet pour s’écouler.

TEXTES

notes QUOTIDIENneS, LES OBJETS DISPARAISSENt

2017

Afin de communiquer avec le public de la Xème Biennale Internationale Design Saint-Etienne, des notes quotidiennes était rédigées par Mathilde Pellé puis partagées dans la rue de la République à Saint-Étienne.

note du 1er avril 2017 :

Moi-même j’ai retiré la dernière chaise.
Nous étions trois hier soir ici. Deux assis par terre, le troisième sur la chaise s’est lassé très vite de la différence d’altitude – question de posture peut-être, le regard et le haut du corps sont dirigés vers le bas pour l’échange, il n’y a plus de table pour reposer les bras.
Plus tard, nous trois assis par terre, la chaise inutile écartée un peu plus loin.

note du 14 mars 2017 :

Le tapis enrichissait l’espace sans avoir de fonction essentielle. Mon attachement à lui n’était pas visuel mais tactile ; ici le carrelage gris offre un contact froid et je porte des mules alors que j’aime être pied-nu. En marge du tapis, j’ôtais ces mules et me régalais du contact appuyé de mes plantes sur le tissage, et lorsque que j’étais assise je frottais machinalement mes pieds sur les fibres jusqu’à la chaleur.